Jean Claude Hiquet | D'ici à demain
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Michel Rocard

ROCARD: Un militant honneur de la gauche, si actuel, si mal aimé.
 

Que restait-il aux militants de 1968, que restait-il pour peu que l'on veuille transformer la société? Les offres d'engagement s'étaient déconsidérées:

- L'extrême gauche? J'avais bien assisté peu enthousiaste à un stage de la ligue communiste. La lecture collective de Trotski était un passage obligé. Endoctrinement donc et enfumage. Quel sectarisme? Sans parler d'une extrême gauche stalinienne dite gauche prolétarienne. Terrible et inacceptable.

- Le PC qui avait ouvert dans les facs la chasse aux recrutements et avec qui je militais dans le cadre du bureau de l'ART (Association des résidents de Talence) s'était déconsidéré.

Le 13 mai nous avions défilé avec le slogan "Nous sommes tous des juifs allemands" protestant ainsi contre les écrits de L' Huma du 03-mai  à propos de Cohn Bendit. Puis la chasse aux "gauchistes" ouverte ( La CGT avait un bon service d'ordre) le PC à partir de 1969 allait précipiter son déclin.

-  Le PS s'appelant pour peu de temps SFIO était sorti moribond de mai 68. Mitterrand mis en selle en 1965 aux présidentielles par le PC n'avait rien compris. Il est dépassé par le mouvement de contestation et sa déclaration de candidature à une présidentielle anticipée est très mal perçue. Cette manoeuvre lui vaut d'être mis au ban de la gauche. Il n'est pas candidat en 1969.

 

Il restait aux militants de 1968, le PSU de Michel Rocard, un homme qui a honoré la gauche, si actuel, si mal aimé et finalement si rejeté par les appareils..

Le PSU en 1968 a compris la société et son évolution. Il soignait une articulation avec les mouvements sociaux de toutes sortes, ce qui en faisait un concurrent minoritaire du PC. Ce dernier a été, de ce fait,  souvent très virulent à son égard.

 

Pendant 50 ans de renoncements, Rocard fut l'honneur de la gauche

 

le PS de notables ne fonctionnant que sur ses rentes électorales, avec une direction s'appuyant simplement sur 2 fédérations (celles qui manquent à l'appel aujourd'hui Nord et Bouches du Rhône) avait renoncé à toutes ses valeurs:

L'Algérie c'est la "sale guerre". Alors que toute la gauche, PC compris, vote, en 1956, les "pouvoirs spéciaux" à Guy Mollet le jeune fonctionnaire Rocard s'y opposera et publiera sous le pseudo de "Servet" un rapport dénonçant les déplacements de population en Algérie et la guerre coloniale. C'est par la suite la création du PSA (Parti socialiste autonome). Le thème de la décolonisation ou de l'émancipation ne quitteront plus ses préoccupations. Mitterrand qui avait demandé son adhésion au PSA se l'est vue refusée à cause de son action pendant la guerre d'Algérie.

Mai 1968. C'est à ce moment là que contrairement à une gauche traditionnelle, et un socialisme du conservatisme, Rocard montra combien il était en phase avec une société en pleine mutation. C'est à ce moment là que sont nées les revendications sur les conditions de travail, les conditions de la femme, les libertés ou autonomies variées.Le PSU avait su dans cette périodes détourner de la violence et capter l'énergie de groupes qui auraient pu basculer.

La "noblesse" de la politique et la morale. Rocard c'est en pleine déclaration de politique générale un propos sur les cages d'escalier dans les cités. La politique c'est  d'abord la vie réelle dans tous ses aspects et le concret. C'est une éthique exemplaire dans un parti gangrené par les affaires. C'est une cohérence de tous les moments et c'est toujours "on ne trahit pas les siens". Pour lui la fin ne justifie jamais les moyens mais doit se retrouver dans les méthodes utilisées.

Le rôle du citoyen dans la vie politique et sociale. Rocard pensait et souhaitait un fonctionnement du politique en liaison étroite avec les citoyens et les corps intermédiaires. L'affaire LIP en est un exemple dans le début des années 70. Le syndicalisme est pour lui central. La présence d'Edmond Maire lors de son hommage national en est l'illustration. La vie réelle, le parler vrai, la vérité des faits au dessus des intérêts de parti, car les faits se vengent, et d’abord au détriment des plus faibles, lorsqu’ils sont ignorés.

Voila ce qui a manqué à la gauche politicienne depuis 50 ans. Rocard n'en a jamais rabattu sur ces questions. Il est resté d'une actualité brulante

 

Rocard par bien des aspects est si actuel

 

Au sein d’une gauche dominée par le marxisme, Michel Rocard se réclame de Proudhon et du socialisme français d’avant Marx. Il a choisi son camp : celui de la social-démocratie européenne, la seule qui ait vraiment amélioré la condition ouvrière dans l’histoire du XXe siècle,

- Le congrès de Metz. Le marché.

Le congrès de Metz en 1979, détermine jusqu'à aujourd'hui le clivage entre les 2 gauches du PS. Rocard se méfie de la rhétorique antimarché qui fleurit à gauche, sachant bien que les tentatives d’économie étatisée ont lamentablement échoué. Aux propos de Mitterrand niant la qualité de socialiste à ceux qui seraient favorables au marché, Rocard oppose la vérité du marché dans l'économie. Ce sujet se retrouve dans un texte de 2008 dans lequel  Rocard oppose la finance liée à l'économie, à favoriser, et celle strictement spéculative, à combattre.

- La décentralisation.

A la suite du livre publié en 1947, "Paris et le désert français" par Jean François Gravier, Rocard va adapter  la thématique de la décolonisation à la société française. "Décoloniser la province" texte présenté par Michel Rocard, sous le pseudonyme de Georges Servet date de 1966. Il appelle à la fin de  l'Etat jacobin ainsi que la fin des départements 176 ans après leur création. 50 ans après nous en sommes toujours là. Politiciens locaux de faible niveau, et baronnies départementales restent toujours sur des positions conservatrices. Tarnos en est encore à demander une intégration à son bassin de vie comme si ça n'allait pas de soi.

 

- L'autogestion

Certes le mot a vieilli, mais pas les idées qu'il implique. Elles furent développées au congrès de Toulouse du PSU, en 1972, dans un document intitulé "Contrôler aujourd'hui pour décider demain". Rocard s'est opposé aux nationalisations telles que Mitterrand les avait acceptées du PC. Refusant les vieilles lunes du credo de la gauche (Appropriation collective des moyens de production ou nationalisations ) il a défendu une priorité au pouvoir dans les entreprises et ailleurs, les contrôles divers qui font que les citoyens sont acteurs. Il est un précurseur dans le domaine de l'économie sociale et solidaire ainsi que dans la sollicitation des citoyens dans les communes avec la mise en route des GAM (Groupements d'actions municipales). Ségolène Royal reprenait cela en 2006 avec sa formule "Les citoyens sont aussi les experts de ce qu'ils vivent".

- Le combat pour la planète. Les propositions sur la planète et l'environnement sont aussi anciennes que le PSU. J'ai le souvenir dans les années 1970 d'actions conjointes avec les "Amis de la terre". Rocard est un lanceur d'alertes dans ces domaines. Ambassadeur de la France pour les pôles Il s'est pris de passion récemment pour ces terres glacées qu’il aime tant à parcourir et à défendre.

Rocard indiquait en 2014 « le positivisme issu des Lumières rencontrait ses limites dans la crise écologique » et encore "Il faut par exemple isoler 10 à 11 millions d’immeubles en France, doubler tous nos vitrages, passer très vite à un parc de voitures électriques. Ce serait ça le changement de cap que j’appelle de mes vœux"

 

- Le rassemblement à gauche..

Rocard n'a jamais varié ici, comme dans le clivage Droite/Gauche. C'est en ce sens que le cheminement Macron n'a rien à voir avec lui. Il a toujours servi les intérêts de son camp même si son espace dépassait et de loin, le paysage des appareils politiques.

Rocard n'a jamais sacrifié la victoire de la gauche à son profit malgré une popularité jamais démentie alors qu'aujourd'hui de Mélenchon à Macron on s'apprête à dresser la table pour la droite en 2017. Contrairement à ces itinéraires personnels Rocard s'est toujours inscrit dans le cadre d'un rassemblement large de la gauche.

Il est l'homme de toute la gauche progressiste, partis politiques et société civile, bref le panel qui l'a accompagné au PS en 1974.

 

Rocard  populaire mais...mal aimé et broyé par le parti ...la greffe n'a pas pris..

 

- Entrée au PS. La greffe qui devait prendre.. En 1974 il apparaissait que le PSU ne serait pas le parti référence, à gauche, à côté du PC qui avait signé avec le PS, en 1972, le programme commun. Il lui fallait intégrer ce rassemblement en adhérant au PS. Les assises du socialisme de 1974 furent ce moment. Seuls 40% des militants du PSU suivirent Rocard.

C'était difficile d'aller au PS tant ce parti paraissait vermoulu et le programme commun critiquable. Il fut décidé d'adhérer collectivement comme un "greffon" permettant une rénovation et une transformation d'un parti de notable en un parti de masse. C'était la perspective jamais atteinte.

l'enfer de Matignon.. En 1981 Rocard très sollicité et populaire pour être candidat à la présidentielle ne brisa pas l'unité du parti. Il permit à 2 reprises le succès de Mitterrand qui reniant ses mots d'avant 1981 fit du rocardisme sans le dire. C'est là que se trouvait innovation et popularité. Rocard n'a démissionné qu'une fois pour stigmatiser l'arrivée prévisible de nombreux députés du FN à l'assemblée, avec la proportionnelle intégrale.

Mitterrand ne put éviter Rocard premier ministre en 1988. Quand il le licencie sans préavis en 1991 Rocard en est à près de 50% d'opinions favorables et le président affaiblit voit sa cote dégringoler des la fin de cette année là. Pour Rocard Matignon a été un enfer mais il a fait la preuve de ses immenses qualités d'homme d'Etat en phase avec la société.

 

- Rocard mal aimé, caricaturé La greffe Rocard n'a donc pas pris au PS. Il est caricaturé par une gauche restée largement marquée par le PC et les tenants d'un centralisme démocratique strict. Dans de nombreuses fédérations dont Les Landes, c'est de rejet radical dont il faudrait parler malgré une invitation à une fête de la rose. Alors les mots pour le dégommer sont légions. Rocard a fait front.

Et oui Joffrin l'indique " Etre ouvertement social-démocrate et réformiste en France, c'est avoir le courage de se faire traiter d'homme de droite par la gauche bien pensante et de se faire insulter". Il ajoute "A la fin des années 1980 il était surnommé Rocard d'Estaing par les mitterrandistes".

Michel Rocard est traité par le Parti communiste d’agent du capital, de réformiste louche, de bourgeois émanant de la «gauche caviar» pendant que Chevènement, déjà tenant d’un socialisme national, fustige «la gauche américaine» des rocardiens..

Malgré cela, ce parti qu'il a servi avec fidélité, va en faire son premier secrétaire. Il est vrai qu'après 3 ans de gouvernement et sa popularité, Rocard était incontournable. Nous étions nombreux à y voir un piège.

 

Les élections européennes de 1994 ont servi de cadre au broyage menu de Rocard, par tous ceux qui ont préféré la droite à la "deuxième gauche".

- Rocard broyé par le parti et par Mitterrand. Il a conduit la liste PS, car premier secrétaire c'était de sa responsabilité. Il aurait pu ménager l'avenir, façon Aubry bien plus tard, et ne pas y aller, mais ce n'était pas le genre de la maison. Le courage il en faut. Il comptait bien se servir de ce scrutin comme tremplin pour les présidentielles de 95.

Mitterrand qui n'avait pu le casser depuis 1981 va y parvenir. Lui qui avait réussi à faire de Tapie un ministre, va faire en sorte que recruté aux radicaux de gauche il monte une liste sous financement du château. Donc voila une liste Tapie pour briser Rocard. C'est à cette époque que me trouvant en réunion avec le premier fédéral des landes je lui ai indiqué mon étonnement de le voir brutalement "tapiste". Les complices de Mitterrand et Tapie sont d'abord les membres de cette liste dont Taubira et Mamère. La déstabilisation de Rocard à réussi après une campagne démagogique prévoyant entre autres l'interdiction du chômage en France.

 La liste "Énergie Radicale" conduite par Tapie obtient lors de ces élections un succès inattendu en totalisant 12% des suffrages, deux points seulement derrière la liste socialiste conduite par  Michel Rocard.

C'en est fini de Rocard pour les présidentielles. Il démissionnera de son poste de 1er secrétaire du parti sans le quitter.
 

Tout récemment il s'opposera à Valls qui suggérait de changer le nom du PS.

Ce qu’il laisse est central pour la gauche aujourd'hui. Attali à tout à fait raison d'indiquer "Michel Rocard a échoué politiquement et a gagné idéologiquement". 
Ses idées  l'ont emporté: ses analyses économiques, la décentralisation contre l'état jacobin, un socialisme qui ne peut être que celui de la liberté, le retour à la case citoyen partout, y compris par les accords d'entreprise et dans la sphère municipale, le contrat si possible plutôt que la loi, les chartes des cultures régionales, la conscience des autres et de la planète, un parti ouvert qui n'est jamais un objectif mais toujours un outil, la fin qui ne peut jamais justifier les moyens, les faits au dessus des partis, parler vrai, une rigueur morale de tous les instants.... Reste à les imprimer vraiment dans les consciences de gauche et d'abord au PS et à penser avec le long terme comme disait Rocard  qui aurait partagé cette phrase de Jaurès "C'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source"

 

Jean Claude Hiquet 14-07-2016

 

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