"On est du pays de ceux qui nous aiment et qui nous ont aimés". Miquèu Maffrand. Nadaou
"L'enfance est le tout d'une vie, puisqu'elle nous en donne la clef" François Mauriac
Conscience d'appartenir alors davantage à ce village
Voila une page dédiée à ce qui a fabriqué mon futur: mon village de St Jean, le quartier de Vicot et Lartigue, ces terres à la lisière des landes de pins.
Ces pages auront pour cadre des lieux mais aussi des personnes qui m'ont fait grandir dans mes engagements, et dont les mots m'ont toujours accompagné et continuent encore de m'entourer.
Parmi ces personnes, il y aura mes proches à Lartigue ou au Bragas, à Saubusse aussi, ainsi qu'à Labouheyre. L'enfance on ne s'en remet jamais, on n'en "guérit pas". St Jean de Marsacq, je n'en guéris pas.
J'ai donc éprouvé le besoin de participer à la constitution d'une association pour recoller, refaire greffe avec cette période des années 1950 qui a accueilli mon enfance. C'est Maïté Libier qui m'avait contacté, d'abord pour un article sur le moulin du Bragas, inséré dans le bulletin municipal. Je le mets plus bas.
Il y eut ensuite l'association... dont je deviens Président avec Jean Bernard Tastet en 2022, qui m'a replongé dans le bain de mon enfance. Cela a accentué un besoin de dire, d'écrire, incompatible avec trop de responsabilités associatives qu'il me faudra rapidement mettre à juste distance.
Je suis parti de St Jean de Marsacq, à 11ans à Labouheyre, puis à 15 ans à Angoulême par des choix qui m'ont été expliqués, mais dont je n'ai jamais vraiment compris la nécessité absolue, ou que j'ai commencé à comprendre bien plus tard.
Je suis devenu pour mes proches, pour tout un chacun, une personne “de la ville". J'ai toujours ressenti dans cette expression, à la fois reconnaissance et distanciation, à l'égard des lieux de mon enfance. Ces lieux ou ces personnes n'en ont été que plus intensément appropriés par ma conscience d'appartenir alors davantage à ce village.
Les textes qui suivront seront à la fois des réflexions personnelles, ou textes demandés, ou liés à l'association "Mémoire Patrimoine d'auts còps a doman".
MJCHiquet 7-05-2023
Une nouvelle association:« Marsacq
Mémoire et Patrimoine d’auts cops a doman »
Soyez les bienvenus
(Photo prise devant la Mairie Rappel révolte des
Métayers)
Et voila une nouvelle association! Pourquoi?
Elle est née, en fait, à partir de beaucoup de questions anciennes, comme par exemple: Pourquoi ces noms, St Jean, la "croix blanche"? On a parlé de
moulins. Lesquels? Où sont-ils? Et le Peyroux c'est quoi? J'ai voulu y aller, je n'ai pas trouvé. Et l'Adour? Il y avait des fêtes de l'Adour? Le blason de la mairie pourquoi est-il ainsi? Que de
questions entendues! Que d'histoires souvent pittoresques rapportées! Que de lieu à redécouvrir!
Chaque nouvelle maison est bâtie sur une parcelle qui a un nom. Chaque chemin est une histoire à lui tout seul. Et cette langue des anciens que beaucoup veulent retrouver, c'est aussi l'identité de ce village.
Les débuts en 2021
St Jean a grandi vite, ces dernières années. Ce n'est pas terminé. Il y a eu un besoin, une envie de connaître mieux ce village. Ceci est vrai pour les anciens ou les nouveaux
habitants, et certains se sont retrouvés, à l'Arrayade bien sûr, en 2021.
Déjà une information avait été faite sur le moulin du "Bragas", et la fontaine du Peyroux avait été repérée et aménagée. Mais il fallait aller plus loin pour essayer de savoir. Sur le passé bien sûr, et ces mémoires de lieux, de personnes, d'histoires, à valoriser. Mais pour les participants à ces premières rencontres, un inventaire des mémoires est apparu indispensable non pour le figer mais au contraire pour le partager. Cet inventaire est en réalité un chemin qui a commencé, il y a fort longtemps dans l'histoire mais qui se continue. Il permet de comprendre le présent, et aussi d'éclairer l'avenir.
Cet état d'esprit explique le titre donné à notre association.
Il s'agit de rassembler les mémoires et donner corps à notre patrimoine qui va "d'auts cops a doman" (D'autrefois à demain)
Donc depuis mai 2022, l'association :« Marsacq Mémoire et Patrimoine d’auts cops a doman » est officiellement déclarée et enregistrée au JO. Ses statuts définissent ses objectifs:" de préservation, de restauration et de mise en valeur du patrimoine public de la commune et de façon très large tout élément du patrimoine historique, culturel, foncier bâti ou naturel "
Pour cela et pour commencer, car rien n'est figé, 3 ateliers de travail ont été mis en route:
- La remise en Etat de la fontaine du Peyroux qui est réalisée ainsi que la rénovation du lavoir des "Tucs" qui est en cours.
- Une recherche sur la significations des noms de routes, chemins, lieux dits ...
- L'Adour et son histoire
Quel fonctionnement!
« Marsacq Mémoire et Patrimoine d’auts cops a doman »est ouverte à toute personne intéressée.
Ce n'est pas un club d'anciens, se racontant les histoires du passé, mais une association qui comprend des personnes de tout âge et aussi des nouveaux venus à St Jean, dont le regard neuf est
toujours pertinent. Cette mixité est une garantie pour avancer.
Ce sont les Assemblées générales qui font le point et précisent les orientations. Une AG est obligatoire une fois l'an. Il en est prévu pour le moment 3 par an.
Pour en préciser les décisions, un bureau se réunit si besoin. Les adhérents, et/ou les donateurs, sont invités aux réunions générales, sont informés, et peuvent participer aux ateliers déjà prévus, et en proposer d'autres.
On voit que, pour des rénovations la présence de bénévoles est indispensable. C'est avec eux que la fontaine du Peyroux a été réhabilitée. Ils doivent en être remerciés. Il convient évidemment d'en augmenter le nombre et ils peuvent se signaler. Il es est de même pour les adhérents et/ou donateurs.
On le voit, tout est ouvert aux idées et à l'imagination. Transmettre nos racines et l'identité du village, pratiquer les échanges entre les générations et avec les scolaires est donc une aventure qui s'organise à travers « Marsacq Mémoire et Patrimoine d’auts cops a doman ». Soyez les bienvenus.
jch. 7-07-2022
Le Meunier du Bragas, Maurice Nongain
Texte inséré dans une page de dossier sur les Moulins. Bulletin municipal. St Jean de
Marsacq
La Maison du Bragas date de 1751 d'après une inscription gravée sur une pierre. Elle est située aux confins de St Jean de Marsacq, presque au bout
de la route de Lurcq, à moins de 1km à vol d'oiseau de l'Adour. Elle est située au fond d'un vallon arrosé par le ruisseau de Pinot qui prend sa source, pas très loin, entre Saubrigues et St Martin
de Hinx.
Ce ruisseau a un débit régulier, relativement consistant, qui avait autorisé la
construction d'un barrage permettant ainsi au creux de cette cuvette l'installation d'un moulin. C'est là que je me suis rendu, encore très jeune enfant, seul pour la première
fois, avec mon premier vélo. Il fallait, à l'époque, prendre le chemin passant devant Barat, étroit et caillouteux, avec une descente raide et dangereuse menant à Lahitète.
C'est de là que l'on apercevait l'arrière de l'étang du Bragas. On le longeait pour arriver à la Destoute, cascade naturelle, point de départ de la digue barrant le ruisseau. On
le traversait, sur un pont qui était en fait un lieu central, car c'est là que s'ouvraient ou pas, les vannes, qui devaient être surveillées pour un niveau convenable de
l'étang. En longeant les immenses platanes sur la digue me voila parvenu à destination.
Je m'arrêtais souvent sur le pont de la tranchée creusée pour l'évacuation de l'eau provenant du moulin situé à côté. Je voyais d'un seul coup d'oeil si le
meunier s'y trouvait ou pas. Souvent il s'y trouvait. Après avoir contourné le chien dont je me méfiais, et dit bonjour à toute la maisonnée, un peu plus loin, j'avais hâte de le
retrouver.
C'était un homme grand, droit, souriant derrière sa moustache discrète, et rigoureux en tout. C'est son père, meunier lui même à Orx, qui s'était installé au Bragas.Je retrouvais là, cousin et cousine dans une atmosphère pleine de vie et naturellement hospitalière.
Ce lieu était configuré par l'étang et donc par le moulin attenant ou je me rendais le plus souvent possible. Il représentait pour moi, quelque chose de l'ordre du sacré.
J'y allais sur invitation du Meunier et c'était une joie intérieure indicible que j'éprouvais alors. J'avais bien entendu des recommandations impératives à respecter: ne
toucher à rien et ne pas rentrer barbouillé de farine.
L'intérieur du moulin avait des espaces bien définis en face de la machinerie permettant son fonctionnement. Il y avait le coin des sacs vides ou prêts à livrer et à l'opposé ceux contenant le grain
à moudre. Dans un coin une petite table était dressée avec documents ou papiers divers et une balance à bascule imposante trônait au centre de cet espace.
Le travail est physique et méticuleux car outre les sacs à transporter il faut coordonner l'arrivage du grain sur les meules et le débit d'eau nécessaire. Il impliquait
réactivité, rigueur et aussi sens de l'observation
Les bruits dans le moulin: eau de torrent qui dévale; un tic tac lancinant; bruits de pierres qui se percutent et se frottent. Mais quelle douceur cette farine qui arrive par petits jets
successifs! Il y avait des odeurs de maîs séché et de fruits confits.
Après la production, venait le temps de la pesée. C'était à ce moment là que se déterminait la valeur du travail de la tournée du jour. J'étais toujours étonné et attentif aux pesées diverses opérées par le meunier. Je le regardais, parfois lui passant des poids mais l'écoutant aussi faire des commentaires sur tel ou tel sac. Je l'ai même vu, me semble-t-il, hors pesée ajouter un gobelet de farine à tel ou tel client sans doute méritant.
Il y avait des farines, du son, de la rèze entreposés pour des clients qui passaient, mais les tournées étaient nécessaires. Elles concernaient St Jean de Marsacq et une partie de StMartin pour l'essentiel. La famille assumait sa part de relations avec la clientèle. C'était parfois la soeur de Maurice Nongain, Marthe, qui juchée sur une mule partait livrer quelques sacs. Plus tard, une camionnette était utilisée. Maurice conduisait peu, conséquences indirectes de blessures de la guerre qui s'était poursuivie pour lui lors de l'intervention aux Dardanelles fin 1918. Il y avait contracté le Paludisme.
Pour les livraisons c'est son gendre Gérard qui, plus tard, les assurait, tout en
étendant les services proposés en direction de Tyrosse ou Peyrehorade les jours de marché.
La vie du Meunier du Bragas était donc toute entière tournée vers son moulin, pas uniquement au moment de moudre le grain ou des livraisons, mais de façon permanente. pour l'entretien de
l'étang ou de la digue. J'ai le souvenir d'une soirée d'orage, avec un temps détestable, et Maurice, sa soupe servie, partit toutes affaires cessantes vérifier les vannes de
la destoute. Il fallait agir vite et le voila déjà loin, dans la nuit, à grandes enjambées, comme d'habitude.
Mais dans ces années 50, peu à peu, l'époque des moulins et des meuniers dans chaque village va toucher à
sa fin. Et le moment de l'ouverture des vannes pour vider l'étang, récolter le poisson, fut pour toute la famille une journée partagée très émouvante.
C'est l'établissement des "Moulins de Paris " à Peyrehorade qui prit la relève. Gérard, s'y rendait tous les mercredis. Je l'y accompagnais souvent.
Maurice Nongain était une personnalité volontaire, déterminée, à la répartie cinglante, d'une culture historique immense. Il était admirateur de Clémenceau, mais discret sur cette guerre qui avait marqué sa vie. Il lui fallait en tout cas se tenir informé de tout et le plus souvent possible. Après avoir fermé la porte évitant les bruits de la cuisine, il s'asseyait devant le poste de radio à 8h pour les informations. Il ne me prenait sur ses genoux à ces moments là, qu'à la condition que je me taise. C'est avec joie que j'acceptais ses recommandations. Il est vrai que je l'admirais beaucoup et même que je le chérissais.
Quand en 1953 il fut élu Maire, les fins d'après midi et les soirées se passaient à la Mairie. Et c'est à vélo qu'il s'y rendait. Décédé accidentellement, il y a 60 ans dans l'exercice de ses fonctions, c'est à juste titre que Maurice Nongain fut le nom donné à l'école de St Jean de Marsacq.
MJCH. 30-11-2020