STORA. 68 et après
« Comment a-t-on pu atteindre un tel niveau de
déliquescence, cinquante ans après, du “soleil” de 68 au crépuscule du PS ? » se demande Benjamin Stora. De cette question est né ce
livre, écrit en témoin et historien. Stora appartient en effet à ce cou- rant de l’après-68 qui, après s’être engagé dans
l’extrême-gauche trotskiste, est entré au parti socialiste.
Au delà des souvenirs et des anecdotes surprenantes, ce livre offre une analyse éclairante sur la façon dont le parti
socialiste a d’abord «absorbé» les aspirations de 68 à changer la vie, avant de les étouffer. Pour finir lui-même à bout de souffle. Quatrième de
couverture.
MAI 1968. Irrécupérable. Un patrimoine à visiter.
A partir de novembre 1967, 6 mois d'agitation étudiante et aussi ouvrière, de façon sporadique (SAVIEM Caen par exemple), puis un mois de grève générale. Aucun secteur de la société n'échappe à la contestation. Et, la peur du vide aidant, on aura un vote massif pour les gaullistes (Droite et centre droit) aux législatives de juin.
Mai 68 a été adoré, proclamé, arboré comme un étendard, mais aussi dénigré comme le mal absolu. En Mai 68 on est 50 ans après le verrouillage de la gauche par la pensée communiste, dans une société fermée, alors que tout semblait accessible. Tout était cadenassé, irrespirable, alors que semblait à portée de manif un avenir d'émancipation. Et voila que les manifestants demandèrent tout et davantage. "Soyons réalistes demandons l'impossible" disait un slogan dont l'auteur parait-il est Che Guevara.
Beaucoup a été obtenu par les jeunes, par les salariés, et pour la condition de la femme. Quelque jugement que l'on porte, après juin 1968, rien ne sera plus comme avant .
Ce mouvement aux mille facettes, c'est un moment qui marque, même inconsciemment, encore aujourd'hui, nos réflexions. Toute la société en a été irriguée. Sarkosy s'était proposé de "liquider cet héritage de perte de toute valeur morale". Il en parlait comme Pétain évoquait le Front populaire.
Macron voulait en célébrer le cinquantenaire. Il s'est ravisé.
Celles et ceux qui avaient 20 ans en 1968 appartiennent à une génération "bénie", la première dans l'histoire. Plus de guerres en France, une société de consommation en perspective, une croissance à 4%, pas de chômage et pas de SIDA. Cette singularité n'a pas d'autres exemples, et donc, du mouvement de mai il est impossible d'en faire un copié-collé. Irrécupérable tellement il est à la fois unique et divers.
J'étais étudiant à Bordeaux à ce moment là, et j'ai eu la chance de me retrouver élu. En effet, des élections tout à fait officielles m'avaient conduit au bureau de l'ART. (Association des résidents de Talence). Nous étions une dizaine, soutenus par l’UNEF à l'avoir emporté face aux "Autonomes". Nous formions un rassemblement de trotskistes dont le président, UEC (union des étudiants communistes) et non encartés dont j'étais, proches du PSU. Cet attelage resté uni jusqu'au début Mai, a pu accompagner les premières action étudiantes. Il y eut des « sandwich-party » , mais la plus surprenante fut l'occupation jusqu'à 1h30 du matin, du village 2, réservé aux filles, pour protester contre les interdits de circulation dans le campus et un règlement "moyenâgeux".
Pour la suite nous avons accompagné le mouvement. La vraie vie se déroulait dans les facs occupées. J'ai gardé de cette période quelques certitudespour aujourd'hui.
En Mai 68 les partis de gauche traditionnels ont volé en éclatet sont à côté des sujets du mouvement.
Je date ce cet été 68 le début du déclin du PC, qui sera inexorable. Une désastreuse formule de G Marchais dans son éditorial de l'humanité du 3 mai, intitulé "De Faux révolutionnaires à démasquer" fustige les "Gauchistes" et en particulier D Cohn Bendit "anarchiste allemand". Cette formule deviendra le slogan "Nous sommes tous des juifs allemands" *à la manifestation monstre du 13 Mai à bordeaux. Avec en plus l'intervention en Tchécoslovaquie le 21-08 le PC sortira affaibli ce cette période.
Pour la SFIOqui n'était pas encore le PS c'est Silence Radio. Mitterrand auréolé de sa bonne Présidentielle de 1965, se signala par un discours à l'assemblée dans lequel il indiquait être disponible pour gouverner. Il s'est discrédité par cette intervention politicienne. Le Mouvement fut accompagné quand ce n'est pas conseillé au plan politique par des hommes comme Rocard ou Krivine. Le rôle canalisateur du PSU empêcha, par la suite, beaucoup de dérapages vers la violence.
Aujourd'hui, comme l'indique le Magazine Littéraire, “Mai 68" est plébiscité.Ceci traduit sans doute, une bienveillance bien naturelle pour ce passé, mais aussi une impatience pour le présent.
S'il ne fallait retenir qu'une seule orientation, ce serait la remise en cause des hiérarchies, des bureaucraties, et les revendications d'autonomie et de liberté. La gauche, qui a laissé en jachère depuis les années 1970, la thématique de l'autogestion ferait bien de visiter ce patrimoine là.
Jean Claude Hiquet 15-03-2018
* En fait c'est le journal Minute qui avait écrit le 2 Mai "Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand, se prend pour un nouveau Karl Marx."
SUR MAI 68
« En 68, on n’a pas pris le pouvoir, on a pris la parole ! » Lire Ici
Lire avec intérêt avec intérêt
l'intervention de Patrick Rotman dans Paris Normandie du 11-04-2018.
Mai 68. Avec deux livres, dont une BD, le documentariste raconte 68 et se veut lucide. Ce mouvement, « unique et terminé », qu’il faut « regarder en historien », a permis à la
France « de se déboutonner ». Patrick Rotman rappelle que les étudiants voulaient des réformes, pas une révolution.